Un crieur des morts se tint devant les portes du château, vêtu d'une robe noire de louange, muni d'une grosse clochette qu'il agitait pour alerter les gens et les inciter à venir auprès de lui et criait le nom du mort suivi du Pater Noster en latin :
« Rekkared de Síarr, qui fut porte-parole du Conseil provisoire de Toulouse, est mort !
Pater noster, qui es in caelis
sanctificetur nomen tuum
adveniat regnum tuum
fiat voluntas tua
sicut in caelo et in terra.
Panem nostrum quotidianum
da nobis hodie
et dimitte nobis debita nostra
sicut et nos dimittimus
debitoribus nostris
et ne nos inducas in tentationem
sed libera nos a malo.
Amen.
[Traduction :
Notre Père qui est aux cieux
que ton nom soit sanctifié
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite
sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui
notre pain de ce jour,
pardonne-nous nos offenses
comme nous pardonnons aussi
à ceux qui nous ont offensés
et ne nous soumets pas à la tentation
mais délivre-nous du mal.
Amen] »
Mais le crieur des morts se faisait aussi messager des morts. Il portait aussi sur lui un rouleau des morts. Lorsqu'un religieux, comme l'était Rekkared, meurt, son nom était inscrit sur un parchemin mis en forme de rouleau, un rotulus, un parchemin sur lequel le texte n’est pas copié parallèlement au grand côté de la bande de parchemin, mais perpendiculairement - utilisé pour dresser des listes.
Ce rouleau voyageait avec lui. A chaque halte, dans la rue, dans une ville ou en place publique, étaient ajoutés quelques vers en guise de panégyrique et d'épitaphe - épitaphe qui ne manquaient pas, dans le cas de nobles ayant tardivement pris l'habit, de rappeler les bienfaits, ou les méfaits, qui furent les leurs.
Comme tous ceux qui le désiraient ajoutaient un texte en l'honneur du défunt, le rouleau, constitué de pièces rajoutées qu'on cousait au fur et à mesure du voyage, finissait par avoir certaines fois entre dix et vingt mètres de long ! La tâche du messager des morts était rude. Le coursier des morts accomplissait parfois près de deux mille kilomètres de marche, en neuf mois de voyage.
Le porte-rouleau, comme il était aussi nommé, insistait pour que son rouleau soit rempli.
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Sources :
- Alexandre-Bidon Danièle, La mort au Moyen Age, XIIIe-XVIe s., 1998, p. 223-227.